MA TENDRE ENFANCE


Chapitre IV - UNE FAMILLE

3° Partie


Cet état léthargique ne me surprenait plus puisqu'il devenait courant aussi sursautais-je lorsque mon oreille réagit au murmure de nombreuses voix, en même temps que je sentis au coin de mes lèvres entr'ouvertes couler un liquide chaud et sucré ... Mes paupières allourdies s'ouvrirent péniblement pour laisser passer un regard interrogatif et accablé de fatigue ... je distinguais à peine les traits de l'institutrice dont le visage, penché vers le mien, semblait exprimer une vive inquiétude :

-" Odile, pourquoi ne m'as-tu rien dit ?..."

Enfin, je réalisais ma position incongrue pendant un cours de géographie : allongée sur le plancher noueux de la classe, entourée de jambes fluettes perdues dans des chaussettes souvent sans élastique, se prolongeant au creux de chaussures informes, plus ou moins éculées, je n'osais lever les yeux ayant peur de rencontrer des regards moqueurs ...

-" M'entends-tu, mon petit ? "

Je baissai les yeux vers la main aux doigts fuselés, aux ongles coupés très courts, tenant toujours le bol de tilleul chaud.

-" Allons, assieds-toi et bois, cela te fera du bien !..."

La mémoire me revenait et j'obéis pour échapper quelques instants à cette scène horriblement gênante et de laquelle j'aurais voulu me trouver à cent lieues !

-" Allez, debout !"

Marie, mon amie de toujours, se tourna vers moi :

-" J'ai tout raconté, tu n'auras pas de punition !..."

Ils souriaient tous ces petits compagnons des moments difficiles, d'une enfance inquiète et troublée dans laquelle nous grandissions en nous serrant les uns contre les autres.

Ils m'entouraient, me posaient mille questions :

-" Comment s'appelle-t-il ?

-" A quelle heure est-il né ?

-" Quand pourrons-nous le voir ?

-" A qui ressemble-t-il ? ... etc ... etc ..."

La leçon de géographie était oubliée, j'étais la vedette de la classe grâce à ce petit frère envoyé par le ciel ... C'était merveilleux ! ...

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