MA TENDRE ENFANCE






Chapitre 1 - ORPHELINS

(1° partie)

L'après-midi avait été éprouvant et, maintenant, nous nous retrouvions seuls, rentrant chez nous sur le chemin poussiéreux longeant la voie ferrée. La cérémonie était enfin terminée et nous avions laissé parents et amis bien avant le passage à niveau. A la campagne, dans ce genre de circonstance, presque tout le village se retrouvait, compatissant, autour de la famille endeuillée. L'oraison funèbre lancée avec émotion par le curé de la paroisse, au milieu des cierges allumés et des vapeurs d'encens, avait remué le coeur de l'assistance réunie dans la pénombre de la petite église. Les hommes, eux, attendaient dehors en fumant la pipe ... certains prenaient le temps de vider un verre dans le bistrot le plus proche en guettant, du coin de l'oeil, l'ouverture du vantail qui annoncerait la sortie du convoi funèbre ! Alors, les uns après les autres, ils s'intégraient au cortège d'un air recueilli en saluant leurs relations les plus proches ... En grimpant la côte qui menait au cimetière, entre deux versets de la prière des morts, les chuchotements reprenaient, mais c'était ainsi, et je pense qu'ils étaient vraiment désolés lorsqu'ils venaient nous présenter leurs condoléances !

Nous avions un bel automne et j'avais terriblement chaud dans la veste de laine grise, trop grande pour moi, prêtée par une cousine plus âgée ; mais, pour rien au monde je ne me serais permis de l'ôter : je devais supporter cet inconvénient, c'eût été indécent de s'arrêter à ce détail dans un moment aussi grave.

Le train de voyageurs s'annonça avec un sifflement aigu et prolongé ; je l'apercevais au loin, grossissant de seconde en seconde, lâchant la vapeur derrière l'énorme locomotive noire et poussive ; les wagons défilèrent devant nous dans un bruit assourdissant. Avec un serrement de coeur j'eus le temps de reconnaître, grâce aux vitres baissées, les visages heureux et insouciants de mes camarades d'école : la municipalité nous avait offert un jour de vacances et ils partaient, sans nous, pour découvrir la mer ... Malgré tout, je les enviai et soupirai tristement !

Nous arrivions et d'un geste machinal je poussai la barrière qui s'ouvrit en grinçant, comme d'habitude ! Maman entra la première, courbée, méconnaissable sous son voile noir, serrant entre ses mains gantées un petit sac au crochet démodé et inutile... Elle ne pleurait plus ... juste un hoquet incontrôlable la faisait tressauter par moments, mais elle était anéantie ... Je repris son bras et nous avançames doucement vers la maison.

Commentaires

Unknown a dit…
Un texte tres bien ecrit et vivant, On a hate de connaitre la suite...

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