MA TENDRE ENFANCE


Chapitre VII - PECHEURS EN HERBE

1° Partie

Je me souviens également des parties de pêche à la ligne que nous faisions afin d'améliorer l'ordinaire ! La rivière était poissonneuse et nous rentrions rarement bredouilles, malgré des moyens limités et un matériel des plus sommaires !

La veille de ces journées fructueuses nous faisions la chasse aux vers de terre nécessaires pour amorcer l'insouciant poisson ; ils étaient nombreux dans la terre noire du jardin, se confondant avec elle, s'enfilant dans de minuscules tunnels, et il nous fallait peu de temps pour remplir notre réserve de boîtes à allumettes !

Ensuite nous allions vérifier nos cannes (de simples gaules flexibles coupées dans les haies) et y fixions le fil transparent, le bouchon de liège et le précieux hameçon lequel, nous l'espérions, allait nous permettre d'effectuer de nombreuses captures ! ... Nous faisions cuire quelques pommes de terre puis les écrasions, les mélangeant aux reliefs de la table de façon à en faire une mixture qui servirait d'appât. Ce soir-là nous nous couchions tôt ayant constaté que le poisson était plus affamé, ou moins vif, le matin de bonne heure ...

Il fallait nous voir partir dès l'aube, vêtus de nos plus vieux vêtements, la canne sur l'épaule, marchant d'un pas décidé ... Maman nous préparait un "en-cas" la matinée étant longue et le lait avalé en vitesse avant le départ insuffisant pour calmer une fringale toujours présente !

Nous connaissions les raccourcis et il nous fallait moins d'une demi-heure pour atteindre notre coin de prédilection, notre domaine discret et tranquille. De loin, nous apercevions l'avancée de roseaux sur l'eau immobile, en bas de la berge pentue ; nous courions le long du halage de façon à arriver le premier pour choisir la meilleure place ... "Notre" barque était là, se balançant au gré du vent ; les bords étaient verdis par l'eau stagnante et l'on ne distinguait plus la couleur d'origine depuis fort longtemps...

A qui appartenait-elle ? Mystère ! Nous l'avions découverte un beau jour, au hasard de nos pérégrinations ; à l'avant, une corde solidement nouée la reliait à la rive et l'empêchait de divaguer. Nous avions aussitôt décidé de nous en servir sans en avertir quiconque bien entendu !Nous n'étions pas téméraires et ne l'avions pas détachée ; cependant, lorsque nous nous y installions, deux par deux, nous réussissions à progresser de deux ou trois mètres en ramant avec nos mains ! Etant moins près du rivage, le poisson "mordait" davantage !

Ma soeur et moi surveillions les garçons du coin de l'oeil ... Lorsque nous embarquions, j'aimais le balancement provoqué par le remous de l'eau sous la coque et n'hésitais pas à l'accentuer malgré les cris stridents des plus petits ... Le calme revenu, chacun s'absorbait dans le dépliage de la ligne roulée sur un carton et fixée à chaque canne le plus solidement possible ; c'était difficile de ne rien embrouiller ... Les garçons étaient chargés d'accrocher, sur le cruel hameçon, le ver glissant et se tortillant sans cesse ! Il faut dire que nous, les filles, n'étions vraiment pas douées pour ce travail, le trouvant d'ailleurs franchement écoeurant ! ...

Nous appâtions et c'était l'attente ...

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